Il y a près de 300 ans à Plozévet... En 1736, L'affaire des savons de l ' ''Heureuse Marie'' En 1729, le recteur François ALENO de Kersalic avait déjà dû lutter contre les pilleurs de l'épave du ''Marie Thérèse '' de Roscoff chargé de morues. Les sources de ce qui suit sont principalement les archives de l'Amirauté de Quimper et les bulletins de la SA du Finistère de 1900 et 1936 . Un jour de décembre en face de Kerbouron Le 31 décembre 1736, l’Heureuse Marie, un navire marchand de 186 tonneaux venait de Saint-Malo et se rendait à Nantes, chargé d’huile, d’olives, d’anchois, de raisins secs, d’amandes, de figues et surtout de savons. Le navire sombra sur la côte de PLOZEVET, en face de Kerbouron. Il gisait sur le flanc, le bordé éventré et une partie de la cargaison disséminée sur la plage. En peu de temps toute la population locale fut au courant et à marée basse ils se précipitèrent pour récupérer un maximum de choses, en particulier des savons ; Le lendemain le sieur DE SAINT PEZRAN, capitaine garde- côte de la paroisse, organisa la surveillance du navire et du reste de sa cargaison. ...Des charrettes de toute la région affluèrent vers la baie d'Audierne.... Les officiers de l'amirauté ouvrirent une procédure contre les pilleurs, et dès la première comparution, le 28 janvier 1737, le capitaine, Adrien Vincent, sieur des Marest, accusa tous les habitants du littoral de pillage et de volerie. Le conseiller du Roi demanda un monitoire. L’évêque de Quimper, Mgr de Ploeuc, fut mis à contribution. Il lança des monitoires (1) et réaggraves (2) et peu de temps après les curés du Pays Bigouden montèrent en chaire pour exhorter leurs paroissiens à rendre les produits. Celafut presque sans effet . 1 – Monitoire : Lettre adressée par l’autorité ecclésiastique aux fidèles leur enjoignant, sous peine d’excommunication, de dénoncer tous les faits répréhensibles dont ils ont connaissance. 2 - Réagrave : Forme d’excommunication qui ré-aggrave les peines de l’excommunié et interdit au fidèle de boire, manger ou d’avoir le moindre contact avec lui. Le recteur de Plozévet, François-Hyacinthe DE LA LANDE DE CALAN, ne voulut alors enregistrer aucune déclaration. Il écrivit quelques mois plus tard: « Je n'ay tant tardé à vous envoyer les monitoires et réagraves que dans l'espérance que la quinzaine de Pâques jointe au réagrave auroient mieux concouru à les engager à déclarer, mais j'ay été trompé dans mon espérance. » Il dit aux juges : « Je croix que l'on ne m'a rendu que les licols et que l'on a laissé échapper les chevaux. » Il estimait que près du tiers de la population de Plozévet avait participé au pillage. Le recteur de Pouldreuzic, messire NICOLAS pensait que : « Comme nous étions dans le temps pasqual il seroit venu plus de personnes donner leur nom » Le pillage ne concerna pas seulement les communes riveraines. C'est à Penhors, dans la chapelle, que se centralisaient les opérations de sauvetage et de pillage. La foule y étaitplus dense que le jour du pardon. La nature du produit échoué apportait au pays une prospérité inespérée. [détails dans le Bulletin SAF 1900 numérisé : p 390 à 408.] ANECDOTE Une pilleuse d'épave hors normes... https://societe-archeologique.du-finistere.org/bulletin_article/saf1936_ « E n 1736. François Cévaër est à la fois maître d'école et débitant de vin sur le Quai, paroisse de Saint- Mathieu. A celle même époque, René MADEC, père du fameux nabab des Indes né en février 1736, habitait place Terre-au-Duc et ajoutait à sa profession de maître d'école celle d' « hoste », c'est-à-dire aubergiste servant à boire et à manger, logeant à pied et à cheval. Sa femme, Corentine-Manon MELIN l'aidait dans son commerce. Si le maître d'école était pacifique de par sa profession, il n'en était pas de même de Manon, qui avait le goût des aventures et qui, semble t-il, le donna à son fils futur roi dans l'Inde qui avait alors 10 mois. Un navire chargé de savon ayant fait naufrage sur la côte de Plozévet le 31décembre 1736, Manon, montée sur un vieux cheval, se rendit à Plozévet, prit part au pillage de la cargaison et rapporta au logis sans bourse délier, une ample provision de savon. Le métier de maître d 'école n 'enrichissait guère son homme et il est à croire que l'industrieuse Manon ne sut pas faire prospérer sa maison. Le ménage dût quitter la place.Le savon était partout, caché sur les poutres et les solives des maisons de Quimper. Des riverains de la côtes qui avaient participé aux opérations de sauvetages, pensaient avoir mérité ce savon dû au titre du droit de bris. Il avait été demandé de restituer le savon ou l'argent de sa vente à une personne désignée dans chaque paroisse. Michel KEROUREDAN âgé d'environ 23 ans, tisserand à Kerlagadec, paroisse de Plozévet dit : "Aux environs du 15 janvier dernier, le nommé Nicolas GUEGUEN du village de Lesavrec en Plozevet, lui a dit qu'il avait vendu du savon pour la somme de 3 livres mais qu'il a appris depuis que le dit GUEGUEN l'avait restitué à Allain VITAL de Plozévet qui est nommé pour recevoir les restitutions et Allain QUÉRÉ de Kerguivit en Plozevet... (idem pour la somme de 50 sols)" On sut cependant que des savons furent vendus, quasi publiquement, dans tous les villages voisins, à Quimper et jusqu’à Carhaix, Gourin et Hanvec. L'année suivante, l'abbé de la Lande de Calan dénonça 9 paroissiens, en demandant de ne pas ébruiter cette dénonciation car il se trouvait parmi eux des personnes redoutables! « Il y a au moins un tiers de la paroisse dans ce cas, mais on ne peut pas les punir tous, il est à propos que la punition ne tombe que sur ceux-ci. Je serois fâché cependant de me compromettre, ainsi, je vous prie que ceci soit secret... » Le compte de Maurepas engagea l'intendant à purger le pays ''de tous ces drôles''. Le recteur envoya alors de nouvelles dénonciations qui signalaient tout particulièrement une famille BRANCHU, composée du père et de quatre enfants : « les Branchus sont quatre ''grands drôles'' bien découplés. Outre le père qui n'est pas le moins mauvais, tous bien armés et difficiles à arrêter si l'on ne prend des précautions... » Il estimait que les deux syndics de la paroisse étaient des honnêtes gens et que les autres individus portés sur l'état des pilleurs étaient des gueux qui n'avaient pas pris beaucoup de savon et l'avaient généralement restitué, mais il y avait à Plozévet des gens redoutables : « ...fort robustes et craints . Ces sortes de gens seroient propres à être transportés dans les colonies... » NB : Les Branchu (s) restèrent à Plozévet où ils ont de nombreux descendants. Impuissante à retrouver le moindre savon, l’Amirauté préféra oublier ... Les magistrats de Quimper, qui avaient négligé de continuer l'instruction criminelle après 1739, la reprirent brusquement en 1746. Ils constatèrent d' abord que dix-huit des paysans incriminés en 1737 étaient morts d autres avaient disparu du pays ; les survivants protestèrent de leur innocence, et les témoins déclarèrent qu' ils avaient tout oublié. Il semble que l 'affaire fut abandonnée après le 17 mars 1768 .