En décembre 1858, à Plozévet.
Vol de légumes à Lestuyen
Au milieu du 19ème siècle, Plozévet comptait plusieurs centaines
d'indigents que les mauvaises
récoltes conduisaient parfois à des vols de nourriture, lorsque les
mendiants ne récoltaient plus de
quoi subsister. (Cf le document sur l'extinction de la mendicité)
Pierre JULIEN (1806-1876), un cultivateur aisé de Mengleux, fut maire de
1848 à 1865.
Il a laissé un abondant courrier dont on conserve des traces dans les
registres de correspondance de
la mairie. Il y relate, en particulier, des anecdotes de la vie de tous
les jours à Plozévet.
Sur le site Plozerche on peut lire d'autres documents issus des archives
départementales ou
diocésaines qui nous plongent dans l'atmosphère de cette époque difficile,
dans une commune rurale
sans ressources.
Pierre Julien a de très nombreux descendants à Plozévet.
transcription (mot à mot), certains noms ont été masquée par nos soins.
L’an mil huit cent cinquante trois, le dix huit décembre, devant nous,
Pierre
Julien, maire de la commune de Plozévet, a comparu Pascal Q , cultivateur
demeurant à Kergolier
en cette commune, lequel nous a déclaré que le quatorze de ce mois environ
neuf heures du matin,
la nommée Catherine Q , femme Colin Y , aussi du village de Kergolier,
revenait de Kerfurunic où
elle avait été allaiter un enfant à Jean Le Corre, et était accompagnée de
ses deux filles Jeanne et
Hélène Colin, la première âgée de quatorze ans et la seconde de douze, qui
étaient allées à sa
rencontre , la voyant arriver si tard, lorsqu’en passant dans mon champ,
dit « parc an daler », elles
crurent apercevoir deux individus occupés à tirer des carottes .
Soupçonnant que c’était des voleurs, elles accoururent chez moi pour
m’avertir
de ce qui se passait. Aussitôt je m’habille à la hâte car j’avais déjà
retiré quelques pièces de hardes
pour me mettre au lit et je me dirige avec ces trois femmes vers le dit
champ qui se trouve à une
très petite distance de la maison.
Lorsque j’arrive dans le dit champ, les individus qui tiraient des
carottes
m’ayant aperçu, l’un d’eux prit la fuite à toutes jambes et se dirigea
vers le village de Kerfildro, et
le second qui paraissait être le plus fort restait en arrière, parce qu’il
s’obstinait à vouloir tirer les
carottes qu’il avait tirées de terre ainsi qu’un sac et un panier dont ils
s’étaient munis.
Lorsque je le vis prendre la même direction que le premier, je fis un
petit détour
pour le devancer, et aussitôt qu’il m’aperçut près de lui, il se dirigea
vers Lestuyen, son village, car
ils avaient pris une fausse direction croyant qu’ils auraient pu se sauver
sans être reconnus, et
qu’alors on aurait soupçonné quelqu’autre d’être l’auteur du dit vol.
Lorsque je me trouvai à une faible distance de lui, je lui criai de
s’arrêter, ce qu’il fit.Il me dit alors qu’il avait été chercher des
carottes pour son souper ; mais
puisqu’il s’était muni de tant d’objets, ce n’était seulement pas pour son
souper qu’il voulait des
carottes ; je lui avais même dit que s’il avait été prendre un peu de
pommes de terre, j’aurais cru
qu’il aurait eu faim, mais il voulait probablement vendre les carottes à
la foire de Pont Croix qui
avait lieu le lendemain.
Je lui demande alors qui était l’autre individu qui l’accompagnait ; il
m’a dit
que c’était son fils Hervé M, âgé d’environ dix ans.
Je lui retire alors les carottes ainsi que le sac et le panier qu’il avait
emporté de
chez lui et je les dépose à la mairie, et nous Maire, déclarons avoir reçu
à la mairie ce jour les
objets indiqués par Q.
Le sac peut contenir environ 5 kilogrammes de carottes, mais Q affirme
qu’on
lui a volé du même champ environ deux cents kilos de carottes et au moins
quarante choux-
pommes, et comme il n’a jamais entendu dire qu’aucun autre n’ait été
prendre des légumes dans
son champ, il est porté à croire que c’est le nommé M qui est l’auteur de
cette soustraction, car
d’ailleurs il ne fait que le même métier, il prend à droite et à gauche,
partout où il le peut.
Désirant avoir la déclaration de l’inculpé, nous l’avons fait appeler à la
mairie
où étant arrivé, il nous a déclaré qu’ayant été toute la journée chercher
des pommes de terre et son
fils chercher, ils n’avaient rien trouvé, puis qu’arrivé à la maison il
avait pris un panier pour aller
chez son frère Hervé M. à Kérongard An-abadez lui demander un peu de
pommes de terre pour
son souper, que son frère n’étant pas à la maison il allait retourner chez
lui lorsqu’il rencontre son
fils muni de son sac dans lequel il n’avait rien non plus, et ils vont
tous les deux dans le champ de
Q car exténués de faim.
Mais nous n’étions point venus de Lestuyen dans l’intention d’aller
prendre des
carottes, et il n’était pas plus tard que six heures et demies, et non pas
neuf heures comme on l’a
dit, car nous étions arrivés à Lestuyen environ sept heures.
De tout quoi avons dressé le présent procès verbal, les jours, mois et an
que dessus.Sabot de voleur et contrebandier, pour échapper aux
poursuivants....
fabriqué et conservé dans l'atelier familial d'Alice Guillou-Quéméner (
route d'Audierne)
Le talon du sabot est à l'avant afin de tromper d'éventuels poursuivants
Photo Plozarch 2010
NB : Ces sabots, datant au milieu du 20ème siècle, n'ont pas été fabriqués
pour servir !!