Les « Affaires »
plozévétiennes...
1910 - élections législatives :
L' affaire Servigny
Elections législatives de 1910 d'après « le Progrès du Finistère »
(Journal anti Le Bail)
Moeurs électorales de Plozévet.
Physionomie de scrutin.
Le 17 avril, M. Plouzané tenait une réunion électorale à l'école de
Plozévet, sous la présidence de M. Le Bail.
Pour toute péroraison, l'orateur fit cette recommandation : « vous ferez
pour moi ce que vous avez fait pour
M. Le Bail, vous ne changerez rien à vos habitudes ».
Un instant après, M. Kéravec, premier adjoint, renouvelait la
recommandation en breton :
« Il faut, dit-il, que les choses se passent comme les fois précédentes ».
Ce laconisme, pour les gars de Plozévet, valait un discours. Ce sont de
ces gens qui n'ont aucune hâte d'oublier
leurs exploits de 1906 et surtout de 1907, alors que Kéravec, jouant au
Manlius, condamnait son propre fils à
passer, sur l'ordre paternel le « enlevez le ! » par la fenêtre de la
mairie, où il se croyait le droit de surveiller le
scrutin.
L'élection du 24 avril fut donc une réédition exacte de celle du mois de
juillet 1907, où l'on escamota pour M .
Le Bail le siège de conseiller général du canton de Plogastel, comme en
1906 on avait escamoté pour lui le siège
de député.
Des notes que nous sommes allés prendre sur les lieux, nous permettent de
décrire avec la plus grande précision
la manière d'opérer des agents de M. Le Bail, passés au service de M.
Plouzané.
MairiePour accéder à la salle de vote, force est aux électeurs de
traverser d'abord la cour de l'école.
Une porte d'entrée donne accès sur un couloir, qu'une autre porte met en
communication avec une classe,
où l'urne est déposée.
On comprend tout le parti qu'on peut tirer de cette disposition des lieu.
La porte intérieure est déjà
suffisamment garnie pour tenir à distance ceux qui ne montrent pas patte
rouge en entrant. Quant au couloir, si
une surprise est survenue à la porte, son rôle est de permettre aux coups
de poing et aux coups de pied de
tomber impunément dans le dos et dans les jambes des électeurs soupçonnés
de servignisme.
Mais voyons nos hommes à l'oeuvre.
A midi et demi, les prêtre de Plozévet, accompagnés de leur domestique, se
présentaient pour voter
Dès la cour, c'est une bordée formidable de cris :
« Hou ! Hou ! La calotte, à bas les curés ! »
Il s'en élève de partout et particulièrement de la maison d'école.
Une voix franche déclare :
« Vous ne pouvez pas voter, il n'y a que les partisans de Plouzané à
pouvoir entrer ! ».
Les prêtres passent, atteignent la porte d'entrée. Le seuil et le couloir
sont gardés par une dizaine de braves à
qui il faut faire les honneurs de l'ordre du jour. On y reconnaît un
instituteur-adjoint, M.Toullec ; puis Mathias
Coatmeur, Sébastien Le Goff de Ménez -Goret, J-M Youinou de Kélérou, Jean
Kérourédan de Kergoff, Y.
Bourdon de la Trinité, Alain Gourret de Scantourec.
L'un de ces militants porte le drapeau tricolore.
M. le Recteur s'approche et demande à rentrer. Nul ne bouge.
Apercevant M. Toullec, instituteur, M. le Recteur lui demande de vouloir
bien prévenir le bureau.
Réponse « non ! ».
--Alors, laissez nous passer. »
– je ne fais rien ! Riposte M. Toullec et, en effet, il se contente, comme
ses amis, d'intercepter le passage.
Toute cette scène se passe devant la salle de vote, dont les deux fenêtres
ouvertes donnent sur la cour. Par une
de ces fenêtres un conseiller municipal, M.Colin, assiste à la scène et
paraît s'y intéresser énormément.
Voyant ses efforts inutiles pour se faire livrer un passage, M. le recteur
demande au spectateur municipal de
bien vouloir aviser le bureau de ce qui se passe. Le conseiller reste
impassible. M. le Recteur veut lui même
s'adresser au bureau . Le conseiller ferme la fenêtre avec violence.
Ce geste déchaîne une tempête de « Hou ! Hou ! La calotte ! ».
Revenu sur le seuil de la porte, le recteur avise dans la cour un autre
conseiller, Mr Cudennec, et le prie d'user
de son influence pour faire dégager la porte d'entrée.
Un signe de tête répond « Non ! ».
Comme les autres, M. Cudennec refuse de prévenir le président du bureau,
toujours invisible. Un nouvel effort
pour ramener à la tolérance les farouches gardiens du temple ne provoque
que des cris et des injures.
A l'entrée du couloir se tient M. Guillaume Nicolas de Porzembréval,
conseiller municipal, posté là pour une
distribution de bulletins Plouzané.
Le Recteur s'adresse à lui, et alors s'établit un dialogue invraisemblable
:
--Vous êtes conseiller municipal, n'est-ce pas ?
--Non !
– comment, mais vous êtes bien Guillaume Nicolas de Porzembréval ?
--Non !
--veuillez nous laisser passer pour remplir notre devoir de citoyens.
La réponse est un geste de polisson.
Il y a quarante minutes exactement que durent ces scènes, lorsqu' enfin le
président du bureau, M.Kéravec,
daigne s'apercevoir de ce qui se passe. Peut être sent-il que l'insistance
courageuse de M. le recteur et de ses
compagnons peut engager gravement sa responsabilité. Il prend donc son
écharpe et invite le petit groupe
d'électeurs indépendants à le suivre.
Pendant qu'un vénérable vieillard, M. Corentin le Gall de Keréniel est
frappé brutalement par un énergumène,
cinq électeurs suivent le président au bureau.
Ils pénètrent par le couloir. Jacques le Guellec du moulin de Brénizennec
, homme vigoureux et déterminé,
franchit sans encombre le dangereux passage. Mais trois autres, Daniel
Rannou, Michel Mazo, Pierre Le
Bihan, sont poussés, bousculés violemment, frappés jusque devant le bureau
de vote.
Leur retour par le même couloir manque de les faire assommer . A coups de
pieds et à coups de poings ils sont
poussée jusqu'à la porte, et l'un d'entre eux est poussé avec une telle
force qu'il va s'abattre dans la cour.
A ce moment, attiré par le vacarme, le président reparaît .
--Faites donc votre devoir, et ne laissez pas assommer les gens , lui dit
M . le recteur.
-Suivez -moi, répond-il tout bas.--Oui, riposte M. le Recteur, mais je
vous demande de déclarer ici publiquement que la liberté de vote est pour
tous indistinctement, quelles que soient les opinions politiques .
Le président reste muet. A sa place, Guillaume Nicolas, conseiller
municipal, distributeur officiel des bulletins
Plouzané, répond catégoriquement
« non, La liberté de vote n'est pas pour tous » !
Un instant après, il répétait sa déclaration, que le président écoutait
sans protester. L'audace était trop forte et
l'aveu trop cynique. Les prêtres avaient leur devoir tout tracé. Ils se
retirèrent, laissant les apaches et leurs
complices à leurs cris et à leurs insultes. Deux autres indépendants, MM.
Bolzer et Jean Floch, qui essayaient
de surveiller le scrutin où les partisans de M. Plouzané étaient seuls
admis, réunirent leurs protestations à
celles du clergé et quittèrent la salle du vote.
Il ne manquait plus que d'ajouter la dérision à l'odieux.
Vers 5h 1⁄2 , le bureau fit prier M. Bolzer d'assister au dépouillement,
comme si une surveillance quelconque
pouvait légitimer l'obstruction systématique et violente exercée pendant
toute le journée contre M de Servigny.
Inutile d'ajouter que la proclamation des résultats fut saluée par les
cris les plus stupides et les plus indécents.
La journée avait été vraiment bonne pour M. Plouzané. Son mot d'ordre
avait été suivi : on avait vraiment fait
comme aux élections précédentes.
Quand donc une administration moins tolérante pour les apaches et plus
respectueuse des droits élémentaires
des citoyens fera-t-elle savoir à tous que la loi, la Loi dont parle tant
M. Le Bail , doit protéger la liberté du
vote à Plozévet, comme partout ailleurs en France ?
Compléments
Edouard Plouzané
Edouard Plouzané et né le 27 décembre 1859 à Brest (Finistère), mort le 11
octobre 1920 à Brest.
Député du Finistère de 1910 à 1914.
Son père était menuisier au port de Brest-Recouvrance. Après ses études
secondaires,
il s'oriente vers la médecine, métier qu'il exercera tout d'abord dans le
cadre de la
marine nationale où il deviendra médecin principal.
A son départ de l'armée, il s'installe comme médecin civil à Pont-l'Abbé
et se dirige
vers la politique :
Médecin, conseiller municipal, conseiller général (1904-1919) et député
radicalsocialiste
du Finistère (1910-1914), candidat à l'élection sénatoriale de 1914.
Conseiller général de ce canton, il s'est présente aux élections de 1910,
dans la 2e
circonscription de Quimper, comme républicain radical, défenseur de
l'école laïque et
partisan de l'impôt sur le revenu qui ne doit être « ni vexatoire, ni
inquisitorial »
Au début de la guerre de 1914 il est mobilisé sur le front belge. Puis, le
27 mars 1915, il est nommé sous-préfet de
Pithiviers, pour la durée de la guerre, en remplacement d'un fonctionnaire
mobilisé.
Il exerce ces fonctions jusqu'au 14 février 1919, puis revient à Brest où
il va mourir peu de temps après âgé de 61 ans.
Edouard Plouzané était officier de la Légion d'honneur et titulaire de la
Croix de guerre.Le recteur Jean-Marie Guirriec
vu par « Le Citoyen » :
« Il y a moins de deux ans vivait à Plozévet un recteu r* respecté et aimé
de tous.
Les jours d'élection ce vénérable prêtre venait, sans ostentation et sans
fracas , déposer simplement son bulletin
dans l'urne, et les groupes d'électeurs, sur la cour ou aux abords, se
rangeaient avec déférence pour le laisser
passer.
Il a été remplacé par Mr. Guirriec, un bigouden de Plobannalec, jeune
encore.
C'est le type de prêtre de fin de siècle, doucereux et poli jusqu'à
l'obséquiosité, quand il entrevoit la possibilité
d'arriver à ses fins, cassant, plein de morgue et de virulence dès qu'il
rencontre la moindre résistance.
Ce n'est un secret pour personne qu'il a été placé là pour mater les
électeurs et modifier l'opinion politique de la
commune.
Mais à Bigouden, Bigouden et demi, et M. le recteur y perdra son latin. »
signé Fanch Coz
* Il s'agit du recteur Olivier Henry (1836 Sibiril ; 1908 Plozévet)
Ce dernier, arrivé en 1890 à Plozévet n'y a laissé que de bons souvenirs,
au point que Lucien Le Bail craignait ses sermons.
Il décéda au presbytère en novembre 1908.
Jean Marie Guirriec arriva en décembre 1908.
De 1909 à 1923, sur ordre de l'évêque Mgr Duparc, il tint un journal
paroissial où il nota au jour le jour les remarques sur la
participation aux offices et aux pâques.
Il avait conscience d'être dans « la fosse aux lions » et voyait en
Georges le Bail un ennemi acharné de l'église, retenant par le
terreur sa commune dans un esprit anticlérical. Il redoutait aussi d'être
expulsé du presbytère.
Le recteur aurait souhaité ouvrir une école chrétienne, mais Georges Le
Bail s'opposa à toute vente de terrain. Le recteur
Guirriec ne chercha pas d'opposition frontale.
André Burgière écrit dans ''Bretons de Plozévet'' :
Tumulte clochemerlesque
Une vive polémique a opposé le 30 avril 1910 l'instituteur, un "bleu" et
le curé, un "blanc" :
Ce jour-là, le recteur Guirriec voulut, lors d'une réunion électorale qui
se tenait à Plozévet, prendre la parole à
propos de manuels scolaires mis à l'index .
Il fut accueilli aux cris de:
« Hou ! La calotte ! Vive l'histoire de France ! Pasq yound *! » ;
[* refus de Pâques]
« Monsieur Toullec », lance le recteur à l'adresse de l'instituteur qui se
trouvait parmi les contre-manifestants,
« faites dégager la place » !
Cela lui valut cette réplique : « Monsieur le Curé, je ne suis ni votre
valet, ni un agent de police ».Mai 1912 – Georges Le Bail et ses
conseillers
( La photo et de nombreux commentaires ont déjà été publiés en 2003 dans
Tal ar Sonerien n°6, sous la plume de Sylviane Léty et
Gilles Goyat)
Les identifications
De gauche à droite, rangée du haut :
Le Corre Henri ; Colin Jean ; Le Quéré JeanMarie, NON identifié ; Nicolas
Guillaule ; Sclaminec Henri ; Un instit(?) *; NON
identifié.
De gauche à droite, rang du milieu :
NON identifié ; Peuziat Jean, Le Berre Yves ; Cudennec Michel ; Le Bars
Jean Marie.
De gauche à droite, rangée du bas :
Le Guellec Alain ; Kéravec Pierre (1er adjoint ; Le Bail Georges (maire) ;
Cabillic Jean (2ème adjoint) ; Guillou Jean ; Stéphan
Pierre ?;
Conseillers non présents sur la photo ou non identifiés :
Colin Pierre-Corentin ; Goyat Pierre, Le Floch Pierre, Le Gouill
Sébastien, Hélou Guillaume, Le Goff Henri, Le Berre Jean
tous signent sauf ???Guillaume et Colin Jean qui ne savent.
• Ici PB : le directeur était M. Kerné, jusqu'en 1913. Mr Lécuyer était
bien secrétaire pendant la guerre mais il est arrivé
après le départ de Mr Kerné. Mr Pouliquen avait déjà été muté à Douarnenez
. Il reste Mr Toullec qui participa
activement aux ''combats'' électoraux.
Ici les rapports des conseils donnent des compléments sur les conseillers
( archives de la mairie):