A Plozévet autrefois... ''Les terres de tailleurs'' Au début du 18ème siècle, la dîme verte portant sur le lin, le chanvre, les fruits et les légumes, était encore en usage . On voit ci-dessous, que la possession de lin et de chanvre constituait une bonne partie des biens du recteur Aléno de Kersalic, l'un des premiers recteurs installés au bourg de Plozévet . En 1731 , un inventaire après décès des biens du recteur nous donne, entre autres : 5 douzaines de serviette de lin neuves 40 livres 18 serviettes et 2 nappes de toile de Pontivy 40 livres 10 sous ; 9 douzaines de serviettes de chanvre neuves 40 livres 10 sous. 30 nappes de chanvre neuves 45 livres. 19 nappes de lin 20 livres 38 draps de lin 152 livres 1 demi-livre de coton 5 sous 32 aunes de toile de chanvre 7 livres 10 sous 9 aunes de toile de Vitré 5 livres 18 sous 7 livres de fil de chanvre 7 livres 10 sous 6 livres 11/2 de fil d'étoupe 3 livres 10 sous 3 livres1/2 de lin 5 livres 5 sous 32 aunes de serge verdâtre 32 livres Les terres riches permettant la culture du lin à Plozévet, se situaient à Kerlagadec, Trohinel, Brénizennec, Kergroas, Queldrec et au bourg. (cf carte page 4) En 1910, pour rapprocher la gare, et donc la ''ligne'', du bourg, il aurait fallu traverser des parcelles appelées « terres de tailleurs » dont les propriétaires ne voulaient à aucun prix se séparer car, en plus du fruit des récoltes, ils percevaient une prime depuis 1898, renouvelée tous les 6 ans. La '' ligne'' passa plus au nord et la gare fut construite loin du bourg. En 1898 la production diminua considérablement en raison du remplacement des bateaux à voiles par des navires à vapeur et .de l'arrivée massive du coton importé. Pour soutenir la production, il fut attribué une prime aux producteurs qui ne se laissèrent pas priver de ce revenu non négligeable La culture du chanvre faisait également vivre les tisserands et les tailleurs dont le nombre était en constante diminution au début du 20 ème siècle.Dans son livre ''tailleurs d'habits en pays bigouden'', Alain Le Grand donne pour Plozévet: les résultats ci-dessous, avec des réserves (*) Tisserands (souvent aussi cultivateurs) Tailleurs utilisant aussi du coton et de la laine 1868 : une trentaine âge moyen 41a 1884 : 24 1905 : 5 âge moyen 51a 1876 : 57 plus 13 jeunes. 1884 : 62 plus 13 jeunes ; 1905 : idem 1913 et 1920: 49 adultes et 11 jeunes (*) Les dénombrements ne sont pas aisés car l'agent du recensement peut parfois compter parmi les tailleurs tous les membres de la famille. Est-on tailleur à 14 ans ?? Dans ''Le cheval d'orgueuil'', Pierre-Jakez Hélias évoque, lui aussi, la culture du chanvre à Kerveillant , en Plozévet: « Il [Pierre-Alain Hélias] vint à pied le torse bien droit, parce qu'il portait, sur la tête, une pile de vingt-quatre chemises de chanvre qui constituaient le plus clair de son avoir. En effet ces chemises étaient à peu près tout ce que sa mère, Catherine Gourret, avait pu lui préparer pour son mariage . Le chanvre en avait été récolté, roui, broyé à Kerveillant, et filé au rouet par Catherine elle-même. Comme d'habitude, ni plus ni moins. Avec le fil obtenu on avait fait deux écheveaux qu'on avait apportés au tisserand. Le premier, chanvre pur, devait faire des sacs de pommes de terre. Au second étaient mêlés des fils de laine pour adoucir le tissu. Celui-là fournirait les chemises de la maisonnée. [...] Ces vingt-quatre chemises de chanvre de mon père ne firent pas connaissance avec son corps. Ma mère tailla seulement des torchons sans oser le dire à Catherine Gourret qui en aurait pris de l'humeur . C'était en 1913, déjà le chanvre était entré en désuétude. » COMPLEMENTS Le Rouissage : Des micro-organismes (champignons et bactéries) vont s'attaquer à la tige pour séparer les fibres de la paille puis vont s'attaquer aux substances qui relient les fibres entre elles. Un routoir est un endroit où l'on rouit les plantes textiles, notamment le lin et le chanvre . C'était tantôt un trou creusé au bord d'une mare, un lavoir, un petit cours d'eau. .Les eaux pouvaient être stagnantes ou courantes. (ci-contre : au lavoir de Lestuyen). Avec des eaux stagnantes, on obtenait un résultat plus rapide mais la filasse était de moins belle qualité et surtout moins résistante. Dans les eaux courantes, le rouissage était plus lent mais l'on obtenait des fibres presque blanches et très solides. Après un séjour de 6 à 10 jours dans l’eau, les tiges étaient égouttées et séchées L'eau des routoirs se putréfiaient rapidement, prenant une couleur brun-jaunâtre. C'était un foyer infect qui empestait tous les alentours. La réglementation exigeait que les routoirs soient creusés loin des habitations. Les dépôts solides, vases qui se formaient au fond constituaient un excellent engrais . Au sud de la ''ligne '' on distingue encore au fond d'un vallon, l'emplacement du routoir de Kerlagadec-Trohinel. Le séchage se faisait sur les champs en fin d'été ou dans les greniers**. Il fallait ensuite battre, broyer, peigner et filer la filasse avant de pouvoir tisser.Le 5 décembre 1853, une chandelle causa la destruction de deux maisons à Kerfurunic : '' [...] Ce dernier étant monté, porteur d’une chandelle l’avait élevée, sans y penser, un peu trop, et avait mis le feu dans du chanvre qui se trouvait sur les poutres et de là le feu s’était communiqué au toit et ensuite à tout le reste des deux maisons incendiées. » Courrier du maire Pierre Julien. Ci-dessus : sur une base de cadastre napoléonien , les principales zones de culture du lin et du chanvre, d'après la petite toponymie relevée par Gilles Goyat à partie du cadastre de 1828. (NB : La plupart des fermes, même au nord de la commune, cultivaient une petite parcelle de chanvre sur leurs meilleures terres, pour usage domestique. Elles ne sont pas répertoriées ci-dessus.).