A Plozévet autrefois ...
1858 :
Extinction de la mendicité
Le registre de correspondance des maires conservé aux
archives de la mairie, contient des copies de lettres écrites à
l'administration, au cours du 19 ème siècle.
Il est un témoignage de la vie sociale à Plozévet à cette
époque.
Voici ce que l'on apprend sur le rapport des dirigeants avec
les très nombreux mendiants de la commune.
Réponse au Préfet*après une circulaire relative à ce problème
*Baron Charles Richard, préfet de 1848 à 1868.
Monsieur Le Préfet,
C'est avec le plus profond respect comme toujours que nous avons reçu
votre circulaire relative
à une question bien importante, à l'extinction de la mendicité.
La plus faible intelligence ne peut s'empêcher de reconnaître à
l'esprit du rapport des
vues des sagesse,une intention d'autant plus louable que l'exécution de
ce rapport tient à la fois
à pourvoir au bien moral et à satisfaire au besoin des corps. Nul de
bonne foi et avec un peu
d'examen ne contestera l'inconvénient de la besace, et ce qui revient
au même , du vagabondage
résultat de la mendicité telle qu'elle est pratiquée dans notre pays.
Il serait hors de propos pour nous d'en exposer les inconvénients, nous
ne ferions
autre chose qu'attester une étude impopulaire du rapport dont
l'importance aura été reconnue
par tous ceux qui savent apprécier les mesures qui tendent au bien .
Nous aimons à croire que
vous nous regardez toujours de ce nombre.
Monsieur Le Préfet, le rapport de la commission fait preuve d'une
intelligence réelle
quant à ce qui regarde le type et le caractère breton et surtout pour
le département que vous
administrez, où peut être plus que tout autre l'habitude devient une
seconde nature.
Vous nous avez devancés dans les difficultés que nous devons
rencontrer, nous nous sommes dit
qu'il ne fallait pas reculer, que l'union fait la force et que
l'autorité supérieure a droit à un
concours loyal et généreux de la part de ses administrés.
Aussi dès la réception de votre circulaire que nous avons appréciée,
sinon à sa juste valeur, au
moins selon les mesures de notre faible capacité, Nous Maire de
Plozévet, de concert avec le
recteur, avons réuni tout le conseil municipal, le conseil de la
fabrique, de plus, croyant nous
conformer à l'esprit de ce rapport nous avons cru devoir donner avis à
tous les notables, en un
mot à tous ceux qui sont susceptibles d'être contribuables en fait
d'aumône.Nous avons tâché de faire comprendre que la méthode de donner
désormais n'était rien à la
valeur, à la liberté de l'aumône du côté du donneur, ni à la
reconnaissance du côté de celui qui
est obligé de tendre la main.
Notre prochaine réunion a lieu jeudi 14 du courant, nous ne pouvions
viser autre chose pour
ce jour qu'à exposer aussi lucidement que possible l'état de la
question. Nous avons jugé à
propos, pour ne rien précipiter de laisser à chacun le temps voulu pour
une étude aussi
importante. La première réunion a été un peu plus nombreuse que la
seconde, cependant
vendredi dernier 22 du mois, nous avons encore vu avec plaisir
plusieurs notables de la
commune.
Voici le résultat des délibérations :
Dès la première séance, un très petit nombre était d'avis de concentrer
toutes les aumônes
dans la maison commune, seule maison du reste apte à l'exécution d'une
œuvre de ce genre.
On serait arrivé sans doute plus vite et plus directement à atteindre
le but que l'on se propose,
c'est-à-dire à établir un bureau de bienfaisance, un tant soit peu
modelé sur les bureaux de
bienfaisance établis dans nos villes.
Comme la campagne n'offre pas les mêmes ressources que les cités, les
membres d'une
telle commission seraient nécessairement trop disséminés, et leurs
occupations respectives les
empêcheraient de vaquer à un emploi de cet intérêt avec l'exactitude
voulue.
En outre nous avons cru que ce serait rompre trop brusquement avec un
usage de tout temps
reçu et la conversion du pauvre à coup sûr sera plus difficile encore
que celle du riche, pour
l'application de la nouvelle mesure.
Nous avons pris ce qui nous semble un moyen terme :
D'une voix unanime il a été reconnu de fermer la porte à tout mendiant
venu des
autres communes.
On a été d'avis de partager la commune par sections, chaque section se
chargera des
pauvres les plus voisins ; les indigents seront mieux connus en fait de
besoin, ce qui
rendra l'aumône plus intelligente d'une part, d'une autre part plus
fructueuse.
Comme par le passé, l'aumône sera constituée en nature , nature plus ou
moins
variée selon les besoin, la nature, les circonstances. Pour ce point la
campagne
l'exécutera aussi facilement que la ville.
Il a été signalé que si parfois le pauvre n'obtenait pas le nécessaire
chez les
personnes désignées pour le soulager, il serait loisible de se
présenter chez les personnes
charitables d'une section voisine, sauf à surveiller l'abus qu'il
pourrait exister.
On se montrerait très sévères pour les mères d'enfants illégitimes ,
afin de prévenir
le vice et de l'écarter autant que possible.
Statistique faite des différentes catégories de pauvres, on tiendra
compte de ce qu'un
valide pourra offrir de ressources pour un invalide.
Il a été aussi décidé qu'une plaque devait être portée par chaque
mendiant, laquelle
plaque porterait le nom de la commune et un chiffre particulier selon
le nombre des
membres de la famille indigente ; il pourrait se faire par des
circonstances imprévues
qu'un membre fût obligé de remplacer un autre mais la plaque serait
toujours de
rigueur.
Pour toute conclusion de ce qui nous prouve l'honneur de vous répondre,
la réunion areconnu d'un consentement unanime que ce procédé
permettrait au bienfaiteur de bien
connaître ses protégés nécessiteux, et que ceux-ci, restreints pour
leurs courses dans des
limites plus resserrées auraient plus de facilités à offrir leurs bras
au travail qui leur
serait offert pour l'occasion.
Voilà, Monsieur Le Préfet, notre appréciation plus ou moins
intelligente et plus ou
moins digne de votre attention. Nous espérons et désirons la réussite
sans l'assurer.
Bien des objections ont dû se faire ici comme partout ailleurs, nous y
avons répondu
de notre mieux et surtout avec modération pour ne blesser la
susceptibilité de personne,
et pour obtenir plus facilement la générosité d'une volonté libre.
[......]
Le Maire ; P Julien.
En septembre 1959, Pierre Julien écrit au Préfet :
Pour me conformer au désir exprimé par le conseil municipal, je viens
vous prier, Monsieur Le
Préfet, de vouloir bien appuyer cette demande de tout votre crédit
auprès du gouvernement de sa
Majesté l'Empereur, car la création d'un octroi à Plozévet est appelé à
faire un grand bien parmi les
habitants qui en font partie.
D'un côté, elle produira à la commune quelques ressources qui lui
permettront de faire aux
édifices publics les réparations les plus urgentes, ainsi qu'aux
chemins vicinaux, qui sont dans un état
déplorables et peuvent même en certains endroits compromettre la
sécurité des passants, et de venir en
aide aux indigents de la commune dans les années où les ressources
mises à leur disposition par les
personnes charitables seraient insuffisantes.
D'un autre côté elle détournera les habitants de leur penchant à
l'ivrognerie, par la nécessité où
ils se verront de payer un droit en sus des prix d'achat des boissons
qu'ils consomment à domicile.
BILAN deux ans plus tard....
février 1860- conseil municipal :
''1/3 de la population vit de la mer ; si cette ressource venait à
manquer elle serait réduite à
mendier.
Les campagnards sont peu soucieux de l'avenir d'où la nécessité de
créer un bureau de
bienfaisance ''
En 1860, une publication départementale de la « Situation de l'oeuvre
d'extinction
de la mendicité » donne pour le canton (cf. site Grand Terrier)
:Guilers On mendiera deux fois dans la semaine seulement, un jour dans
une section, un
jour dans l'autre.
Landudec Rien
Peumerit Efforts inutiles
Plogastel St Germain Tout est terminé, attendre des mesures de
répression pour agir.
Plonéis S'occupe activement. Paraît disposé à prendre les enfants et à
réduire de moitié les
jours de quêtes.
Plonéour N'a pu réussir. Espère que la commune suivra plus tard le
mouvement.
Plovan Impossible de rien faire. Résistance des habitants.
Plozévet L'oeuvre paraît organisée. Tout marche bien . Nombre de
mendiants
considérablement réduit. Tout le monde est satisfait des mesures, ça
continue à
marcher à la satisfaction générale.
Pouldreuzic Espérerait réussir si l'exemple était donné par d'autres
communes du canton.
Tréogat Tout est fait.
NB :
Pour le canton de Pont Croix, l'initiative qui a permis de réduire le
nombre des quêteurs est
l'attribution d'une plaque métallique gravée du nom du mendiant et
nécessaire pour
circuler.
Audierne, Primelin et Pont Croix n'ont rien pu faire.
On notera le cas de l'île de Sein où il n'y a pas de mendiant.
Image d'époque : Mendiants et miséreux en Bretagne.( Rumengol_1867)