Terminons par quelques notes plus plaisantes : Bouillon de vipères. Lettre de Mme de Sévigné, du 20 octobre 1679 : Parlant de Mme de la Fayette, la marquise écrit qu'elle prend : «des bouillons de vipères, qui lui redonnent une âme et des forces à vue d'oeil ; elle croit que cela vous seroit admirable. On prend cette vipère, on lui coupe la tête, la queue, on l'ouvre, on l'écorche, et toujours elle remue...» Histoire et Patrimoine raconte : Autrefois à Plozévet... N°30 et dans les environs. Les chasseurs de vipères. Le 8 juillet 1685, Charles de Sévigné écrit à sa sœur : «C'est à ces vipères que je dois la pleine santé dont je jouis, et je ne me reconnessois plus depuis des temps si funestes pour moi. Elles tempèrent le sang, elles le purifient, elles le rafraîchissent au lieu d'échauffer et de dessécher comme vous vous l'imaginez, mais il faut que ce soient de véritables vipères en chair et en os et pas de la poudre, car la poudre échauffe, à moins qu'on ne la prenne dans de la bouillie ou de la crème cuite, ou quelque autre chose de rafraîchissant. Priez M. de Boissy de vous faire venir dix douzaines de vipères du Poitou, dans une caisse séparée en trois ou quatre, afin qu'elles y soient bien à l'aise avec du son et de la mousse. Prenez en deux tous les matins, coupez leur la tête, faites­les écorcher et couper en morceaux, et en farcissez le corps d'un poulet ; observez cela un mois...» La tactique du chasseur, Par le professeur Kaufmann, en 1892 : «M. Kaufmann, professeur à l'école vétérinaire d'Alfort, vient de publier dans le Bulletin du Ministère de l'Agriculture, un article remarquable où il expose les résultats des recherches qu'il poursuit depuis de longues années sur la vipère et son venin. [...]» «Dès le commencement du printemps, elles s'étirent, sortent de leurs cachettes et se mettent en ménage. On les voit alors souvent en bandes, ou enroulées et enchevêtrées les unes dans les autres, formant quelquefois un gros tas, dans lequel il est exquis d'envoyer un bonne charge de plomb. Les chasseurs de vipères préfèrent la chasser vers la fin juillet ; à cette époque la femelle renferme huit à neuf viperaux, pour chacun l'administration française paye la même prime que pour la vipère adulte. [...] Mais la vipère se laisse approcher par l'homme ; elle ne fuit que lorsqu'elle se voit découverte. Si l'homme arrivé près d'elle ne s'arrête pas, elle reste immobile. Mais que l'homme s'arrête, elle file aussitôt. C'est sur cette observation qu'est fondée la tactique du chasseur. [...]» De 1947 à 1977, Jean Le Bourdon était le photographe de Plozévet. Il nous a laissé des témoignages en images de la vie pendant cette période des Trente Glorieuses, des scènes parfois à jamais révolues comme le sourire du chasseur de vipères. Cette pellicule qui s'intitule «Chasseur de vipères en 1958» nous a remis en mémoire cette peur des serpents qui habitait nos campagnes : Elle pouvait s'inviter dans les rédactions des écoliers, comme dans l'extrait ci contre, en 1958 : ''la grenouille et le serpent'' Page 1Selon les écrits du professeur Kaufmann en 1892, la vipère a longtemps été considérée comme un très vilain reptile, répugnant et redoutable, sur le compte duquel on raconte les légendes les plus fantastiques. Il faut attendre les arrêtés des 24 avril 1979 et 6 mai 1980 pour que tous les serpents soient protégés en France.. Il ne sera pas évident de convaincre la population rurale ! Il existait plusieurs raisons de chasser la vipère. Certains le faisaient par plaisir, d'autres par nécessité économique. La vipère fut donc chassée autrefois pour son venin, les animaux étaient envoyés par caissons spéciaux à l'institut Pasteur qui s'en servait pour la fabrication de sérums. Aujourd'hui, les anti venins sont fabriqués à partir de produits de synthèse, le métier de chasseur de vipères au service de la science a donc disparu. Le docteur Albert Calmette (1863 1933), élève de Pasteur, travailla dès 1895 sur les venins de vipères à l'Institut Pasteur de Lille dont il fut le premier directeur à l'initiative de son maître. Il est plus connu pour la mise au point du BCG et du vaccin contre la rage. Voici quelques lignes relatant des anecdotes des temps anciens, à Plozévet et ailleurs..: • Sport et loisir non loin de l'étang de Poulguidou, en Mahalon. En décembre 2018, témoignage de H. Meil, rapporté par un ami : «Il y avait deux fermes habitées par les Meil et les Plouhinec ; le dimanche après midi, Mr Plouhinec allait à la chasse aux vipères ; le petit H. Meil, 5/6 ans (que Bernard B . a rencontré il y a peu de temps) l'accompagnait dans les chemins creux, silence obligatoire ! C'était dans la fin des années 50. Mr Plouhinec était un chasseur de vipères réputé, il les chassait "pour le sport", et il y en avait beaucoup dans les talus en pierres avant le remembrement. Il en attrapait une vingtaine par dimanche ; H. dit qu'il arrivait à les "sentir".» Oeil de vipère (pupille verticale) Tête de couleuvre (pupille ronde) Page 2 • A Menez Kermao en Plozévet, Noël Jean Talidec, cimentier, chassait aussi les vipères, le dimanche. (photo page 1) • Dans ''Le cheval d'orgueil'', Pierre Jakez Hélias évoque brièvement la destruction des vipères et des rats que l'on faisait brûler auprès des maisons pour que leurs cris ou sifflements éloignent leurs congénères pour une année... au moins ! • On mettait en avant la bravoure des chasseurs, leur courage ou le nombre de vipères qu'ils avaient pu tuer, eux, qui à chaque sortie risquaient leur vie en charmant les vipères contre une prime de 25 centimes par tête. • Ci contre, l'abbé Chabirand, résidant à La Verrie en Vendée, vers 1910, est aussi chasseur de vipères au service des fabriquants de vaccins. On lui attribue plus de 5000 vipères capturées et livrées à un laboratoire pharmaceutique. Dans la chapelle de Penhors se trouve une statue de Saint Maudez connu pour guérir les enflures et les morsures de serpent, à condition que l'on prenne un peu de poussière dans un trou du dallage, non loin de la statue, pour en faire un massage ou consommer, dilué dans un peu d'eau. Une légende dit qu'il débarassa l'île Maudez (Ile située non loin de Bréhat) de tous les vers et serpents qui la rendaient inhabitable. Page 3