"Ce que nous
constatons c'est que, dans la mort, les ossements de ces braves
continuent à être le jouet de la tempête qui dispersait à la sortie du
goulet de Brest la
flotte expéditionnaire, chassait de la baie de Bantry (Irelande) les
vaisseaux qui
avaient fini par y prendre leur mouillage avant la descente à terre, et
jetait, après un
combat mémorable le vaisseau les Droits de l'Homme sur les rochers.
Périodiquement, lors des grandes convulsions des marées d'équinoxe, la
mer, soulevée
de son lit par la tempête, bondit sur la falaise, la ravage et se retire
en emportant le
riche butin des terres douces et gazonnées où les ossements des morts
reposent dans
l'argile sacrée, sans qu'une croix, une pierre, un renflement du sol, un
emblème, un
signe quelconque marque l'emplacement des tombes.
La prochaine grande tempête commettra les mêmes déprédations et
renouvellera, sur
une plus vaste échelle, les brigandages de ses devancières.
Les squelettes sont ensevelis dans la falaise très basse dont ils trouent
par endroit la
terre inégale.
J'en ai, ce mois, fait exhumer huit qui étaient intacts, et il y en a
d'autres à droite, à
gauche, plus loin...
Réunis à ceux déjà recueillis en juin, ces restes ont été déposés
provisoirement dans un
coin de l'édifice municipal en attendant qu'on leur donne une sépulture
digne au pied
d'un monument qui commémorera les gestes glorieux et le martyrologue de
ces
défenseurs de la patrie."
Epilogue. . .
En août 1937, dans l'enclos paroissial. Une dalle et deux canons du navire
anglais
l'Amazon, recouvrent les restes de quelques héros inconnus.
Cidessous : Albert Le Bail et le sculpteur René Quillivic devant la dalle
commémorative, en août 1937.
Histoire et Patrimoine raconte :
Autrefois à Plozévet...
N°38
Le 4 juin 1911, le journal ''Le Matin''
interpella Georges LE BAIL . . .
Si l'anse de Canté pouvait parler, elle vous conterait bien des drames,
elle
évoquerait les échouements et les baignades dramatiques. Peutêtre vous
raconteraitelle aussi pourquoi un jour, làbas à Paris, on l'appela "Baie
des
Squelettes".
Le 4 décembre 1896, le baromètre est descendu à 720 mm. Depuis 1762, il
n'était
jamais descendu si bas.
A Plozévet, la tempête eut une conséquence dont on parla peu.
En détruisant la falaise, elle mit sur la grève des squelettes qui y
reposaient et
ranima le souvenir du terrible drame qui se déroula le 14 janvier 1797 en
baie
d'Audierne.
La mer continua son travail d'érosion au fil des tempêtes.
Le 4 juin 1911, la presse parisienne ( "Le Matin" ) interpella Georges LE
BAIL, sur
le respect des sépultures des héros de 1797.
Plus récemment encore, les grandes tempêtes ont découvert des
ossements autour de la baie de Canté. Des photos de Jean Bourdon
en témoignent
Decembre 2021
Le 6 juin 1911, "l'OuestEclair" reprenait l'article dans la presse locale
:
Peu de temps après, fin juin 1911 "Le Citoyen" écrivait :
"Depuis de nombreuses années, à chaque tempête coïncidant avec les fortes
marées, des
ossements inhumés au flan des falaises et des dunes sont mis à découvert.
"La mer met à découvert de nombreux squelettes
Comme tout le littoral breton, la côte de la baie d'Audierne est
déchiquetée par la
mer. Le flot gronde sans cesse et vient se briser sur les innombrables
récifs, déferlant
sur la côte, sans fin ni trêve. La mer empiète sans cesse sur la terre et
à chaque
tempête elle arrache des dunes entières.
Sur cette côte sauvage, à cinq kilomètres de Plozévet, près de la plage de
Canté, un
lugubre spectacle s'offre aux yeux.
La mer a mis à découvert de nombreux squelettes inhumés dans la dune, et
il y a
quelques temps, sur la grève, une longue ligne de squelettes était
étendue.
Maintenant leurs ossements sont dispersés çà et là, ayant été saisis par
la mer à
marée haute, puis rejetés sur la plage et éparpillés sur un parcours de
plus d'un
kilomètre.
Les dunes voisines que la mer commence à attaquer sont aussi de vastes
cimetières.
Des extrémités d'ossements ressortent de la partie effritée et on
soupçonne que sur un
long parcours des cadavres ont été enterrés là côte à côte. [...]
Cet endroit est peu habité et les quelques paysans et pêcheurs qui ont vu
ces
ossements ne s'en sont pas préoccupés davantage et n'en ont parlé à
personne.
C'est ainsi qu'à Plozévet et à Audierne, personne n'avait connaissance de
cet
événement macabre. A mon arrivée, j'interrogeai en vain de nombreuses
personnes.
Aucune d'elles n'était au courant du fait et on ne put m'indiquer
l'endroit où les
squelettes avaient été mis à découvert. Je dus faire plusieurs kilomètres
sur la plage
avant de rencontrer les ossements humains. [...]"
"L'affaire" toucha Georges LE BAIL qui s'en
trouva mal à l'aise.
On ne peut que déplorer l'avidité avec laquelle ces restes sacrés de héros
tombés pour la
France sont enlevés par les touristes qui ne craignent pas de faire
piocher l'argile pour
les découvrir.
La municipalité, dès que ces faits furent portés à sa connaissance, prit
toutes les
dispositions nécessaires pour faire recueillir les ossements qu'il était
possible de
retrouver et les faire inhumer dans le cimetière de la commune."
Dans un article paru dans le journal "Le Radical" du 22 septembre 1911,
Georges LE
BAIL, députémaire de Plozévet, évoque le combat du vaisseau français "Les
Droits
de l'Homme" contre deux navires anglais, en face de Canté.
(Le début de l'article est un résumé du récit. Il n'est pas transcrit
ici.)
Voici des extraits qui concernent les morts, dont le nombre n'est pas
connu de
manière précise, qui sont, pour la plupart, inhumés dans l'argile de la
palue, en
1797.
"Le 6 juin dernier, les journaux de Paris et de province publiaient le
récit d'ossements
humains, tibias, fémurs, omoplates, bassins, crânes, dispersés sur la
plage de
Kéristévet, en Plozévet, à laquelle on décernait le nom sinistre de ''Baie
des Squelettes''.
Ces restes étaient ceux des morts du vaisseau Les Droits de l'Homme de
soixante
quatorze canons, monté par six cent cinquante hommes d'équipage et cinq
cent quatre
vingt hommes de la Légion des Francs. En faisant compte des officiers,
passagers et
prisonniers anglais retenus à bord, le total des hommes du vaisseau
s'élevait à douze
cent quatrevingt, disent les uns alors que d'autres évaluaient à treize
cent cinquante
les sépultures de ces héros !
[. . . Récit du combat . . . ]
Avec l'aide de Emile KERNE, directeur
d'école et ami, et en mobilisant son
conseil municipal, il commença à chercher
une solution...
Emile KERNE et son épouse en 1913.
On ne saura jamais le nombre exact des morts enterrés dans le petit
cimetière de
SaintDémet en Plozévet et dans les champs qui bordent la plage de Canté
et la palue
de Keristévet.
Nous inclinons à penser qu'il devaient être au nombre de 400 environs. Le
général
Bigarre en porte le nombre à 700. Le major Pipon de Jersey, prisonnier de
guerre à
bord du vaisseau français, le fixe à 600. Le rôle de l'équipage est
incomplet et nous ne
possédons pas le rapport supplémentaire où le commandant Lacrosse a
peutêtre dressé
l'état complet des pertes du bord."