A Plozévet au début du 20ème siècle...
Evénements autour du
calvaire
[privé]
de Kerguinaou.
2452. Kerguinaou, g.k. XVIè s. Trois degrés. Socle cubique. Fût à pans.
Croisillon, culoys, statues
géminées : Vierge-Anne, Jean-Hervé, écu armorié. Croix, fleuron
godronnés, crucifix, anges au calice,
groupe de la Trinité au revers.
( Extrait de l'atlas des croix et calvaires )
Ce calvaire n'est visible d'aucun chemin : un panneau de bois, installé
à Kerguinaou, en bord de route,
invite randonneurs et touristes à découvrir le monument
Le calvaire comporte, regardant vers l'ouest, une représentation du
Christ en Croix entouré de la Vierge et
de saint Jean.
Deux angelots recueillent le sang du Christ. (image ci-dessus, à gauche
)
Au revers, le Père éternel est accompagné du Christ et de sainte Anne .
Figure également saint Hervé, accompagné de son guide Guiharan et du
loup qu'il avait domestiqué. (1)
En médaillon, un écusson évoque probablement le donateur ayant fait
édifier le calvaire à la limite nord-
est des terres du manoir, non loin de l'ancien chemin conduisant vers
Pont-L'Abbé.
Divisé en quatre, il représente des roses de la famille ''Trémic''
et cinq fusées, celles du blason des ''Boutteville''.
Pour Boutteville : « D’argent à cinq fusées de gueules, en fasce »
Pour Trémic : « D’argent à la rose de gueules »
.
( 1 ) Ermite musicien, St Hervé naquit aveugle et œuvra pour
l’éducation des enfants et l’accueil des pauvres sur le Menez-Bré.
La légende raconte que le chien avec lequel Hervé se guidait fut mangé
par un loup ; le saint contraignit alors le loup à le
remplacer ; c’est pourquoi à Trédaniel Saint Hervé est représenté
tenant un loup en laisse, et est invoqué surtout par les
peuples voisins des forêts pour protéger leurs troupeaux, et en reçoit
de la laine par reconnaissance.
Une autre légende rapporte qu'un loup dévora l'âne de Guiharan, (ou
Guich'Haran), compagnon un peu simplet du saint,
avec lequel Hervé labourait. Il s'agenouilla pour prier et sur son
injonction le loup vint s'atteler lui-même à la charrette.
Sa réputation gagnera toute la Bretagne où il restera très populaire .
D'après Wikipédia
Nous ne connaissons pas le date de construction du manoir actuel, mais
Kerguinaou était un lieu noble en 1426, et même
avant, très probablement.
[Cf. la publication d' Histoire et Patrimoine, concernant la
Réformation des fouages de1426- il en reste quelques
exemplaires...]Vers 1570, Jean Boutteville épousa Hélène Trémic.
Leur fille Anne, décédée en 1613, était héritière de Kerguinaou. Elle
épousa Hervé Le Goff en 1598. Ce
dernier décéda en 1632, à 76 ans, à Kerfurunic. A compter de 1599,
leurs enfants naquirent à Kerguinaou.
La famille Boutteville, connue depuis les croisades, originaire de
Normandie, s’ installa au Faouët à la faveur
d’un mariage vers 1300. En 1495, elle fut élevée au rang de baronnie
par Anne de Bretagne.
Le calvaire en 1913
-Photo Le Bail-
Evénements autour du calvaire
Textes retranscrits mot à mot.
La conférence de L' Union Catholique du 2 novembre 1912, à Kerguinaou.
Elle n'eut guère de suite : lancée très tardivement à Plozévet, elle y
fit long feu.
D'abord, vue par « Le Progrès », journal favorable à l' Eglise et
hostile à Georges Le Bail.
« C'est devant une réunion de plus de 700 personnes, - il y avait 150
femmes ou jeunes gens, - que M.
l'abbé Corre, recteur d' Audierne, donna le 3 novembre une conférence
très documentée et très
intéressante, à l'occasion de la création de l' Union paroissiale.
Lorsque le bureau eut été formé , le président donna la parole à M. le
recteur de Plozévet, lequel, après
avoir exposé les raisons qui l'avaient amené à tenir cette réunion un
peu à l'écart du bourg, rappela
brièvement le but de la réunion : obéir aux appels du Pape et de
l'Evêque.
Puis, M. le Recteur d' Audierne, qu'il venait de présenter à ses
paroissiens en quelques paroles amicales,
debout sur les marches du calvaire autour duquel se tenait la réunion,
tint une heure durant ses auditeurs
sous le charme de sa parole claire, précise et forte.
« La France, dit-il, est le peuple qui a reçu le premier baptême ; et
malgré les attaques, elle veut rester
fidèle à ce baptême. Quelques manuels d'histoire prétendent que les
Catholiques y ont voulu détruire les
Protestants ; c'est le contraire qui est vrai ; et Luther, Henri VIII
et Calvin ont fait une guerre acharnée à
l'Eglise, à ses dogmes, à sa morale.
Plus tard vinrent les philosophes dont le chef, Voltaire, disait à ses
amis :''Ecrasons l'Infâme ! ''
Et de nos jours, l'Eglise est combattue par les francs-maçons, qui ne
sont pas nombreux, mais qui sont
audacieux de la faiblesse même des autres. »
Le conférencier rappelle, en les flétrissant, toutes les hontes et
toutes les injustices subies en France
depuis qu'ils sont au pouvoir ; et montre que par le fait que la
religion est persécutée, le désordre est
favorisé. Jamais l'immoralité et le crime n'ont été aussi audacieux
qu'aujourd'hui.
Napoléon disait : ''Quand vous entendrez le canon, marchez au secours
de vos frères !''
Notre religion, conclut M. le Corre, est persécutée ; unissons nous
pour la défendre.
Durant toute sa conférence, les hommes applaudissaient vigoureusement à
de multiples reprises et
disaient tout haut : '' Ia, guir eo ar pez a lavar, ar virionez a zo
gant'han !''
L'un des auditeurs crut bon d'intervenir, et de faire remarquer que les
prêtres refusaient parfois
l'absolution. On lui répondit que le juge de paix condamnait aussi
parfois !Puis sur une nouvelle interruption, que les prêtres ne
faisaient que de la politique, le conférencier lui posa
cette question :« Approuvez-vous le renvoi des sœurs des hôpitaux,
l'enlèvement des crucifix de l'
école ? »
- « Non ! » répondit-il , tout penaud.
- « Eh bien ! dit l'orateur, alors, nous sommes d'accord ! »
Et tout le monde de rire ! Puis, conclusion naturelle d'une si probante
conférence, environ 250 hommes
[ le Citoyen dit 20 !] , donnèrent leur adhésion immédiate à l'Union.
Bonne et excellente journée pour la paroisse de Plozévet. Puisse-t-elle
être le point de départ d'une
entente plus réussie entre les catholiques et cette grande paroisse. »
La conférence catholique du 3 novembre 1912, au bois de Kerguinaou,
vue par « Le Citoyen », journal de Georges Le Bail.
Une conférence catholique dans le pâturage de Kerguinaou.
« Eh bien ! Elle a bien eu lieu la fameuse conférence catholique
annoncée par les prêtres en chaire, à
toutes les messes, depuis quinze jours.
Elle a eu lieu à Kerguinaou, un vieux manoir qui appartient à Mr
Roussin [ voir note], qui fut député
conservateur du Finistère, de 1885 à 1889.
Tout avait été tenu secret, l'objet de la conférence et le nom même du
conférencier. Un grand mystère
entourait la venue de ce beau jour.
Les prêtres avaient conseillé aux femmes et aux adolescents au dessous
de 18 ans de ne pas venir.
Pourquoi 18 ans, alors que l'âge électoral commence à 21 ans ?
On s'attendait à une conférence sur un sujet délicat, où les mœurs, le
mariage, la repopulation seraient en
jeu, à quelque chose d'aussi salé que les eaux de la mer qui gronde à
un kilomètre de là.
Au dernier moment on apprit que la conférence aurait lieu dans un
pâturage de la ferme. On crut à un
déjeuner sur l'herbe offert par les curés heureux de faire un usage si
élégant de la quête de l'année
mauvaise.
Et Patatra ! Comme Perrette le peuple accourut et vit choir tous ses
beaux rêves.
L'auditoire pouvait bien comprendre deux cents cinquante personnes,
parmi lesquelles des femmes, des
enfants des réactionnaires étrangers à la commune, et cent cinquante
républicains à tous crins venus pour
s'amuser, trop amis de la tolérance pour couvrir la voix de l'orateur,
mais qui se sont amusés comme des
petites folles en écoutant les blagues racontées par M. Le Corre,
recteur d' Audierne, dit l'apôtre du Cap,
puis des Bigoudennes en attendant qu'il ne devienne des bourledens.
Konchennou tout, disaient et répétaient doucement, ironiquement, les
paotred ar bezin, tandis que M. Le
Corre, vrai Pic de la Mirandole, remuait tout, touchait tout, et à
quelques autres choses encore. Diderot,
Voltaire, Poincaré, le Tsar, les Francs-Maçons, les Protestants , ont
fait les frais de cette conférence, qui
ressemblait à un intérieur de marchand de bric à brac.
M. Le Corre qui sera, quoi qu'en pense le recteur de Plozévet, l'apôtre
de Plozévet, quand le coq du
clocher communal chantera, M. Le Corre en a dit de raides que je
recommande aux historiens de l'avenir.
Autrefois la France occupait en Europe le premier rang. C'était
l'époque où les zouaves pontificaux se
battaient pour le Pape !!
Maintenant notre pays décline !!
(Et la guerre de 70, M. Le Corre, et la perte de l'Alsace et de la
Lorraine, et le sang versé, et les milliards
perdus?)
Il a fait aussi le procès des manuels d'histoire, parlé des Guerres de
Religion et daubé sur les Protestants !
A ses yeux c'est le lapin qui a commencé.
Sous les yeux de la foule M. Le Corre a violé l' histoire ; il y avait
là des jeunes filles et des enfants !...
(Pauvres Protestants qui, au nombre de 100 000 furent exilés de France,
important à l' Etranger le secret
de nos industries et la haine du pays qui les avait chassés)
A Plusieurs reprises, l'indignation a provoqué des interruptions. C'est
ainsi que lorsque M. Le Corre vint
prétendre qu'on refusait le secours aux adversaires politiques, on lui
répondit : « Le clergé lui aussi refuse
les Pâques à ceux qui votent mal. »
Quand il parla des bonnes sœurs exilées on lui répondit : « Et les
protestants ! »
Bref à peine deux ou trois applaudissements ! le fiasco a été complet.
Et quand un prêtre prit sur un calepin les noms de ceux qui voulaient
bien adhérer à l' Union Catholique
( qui n'a rien de politique) , il se trouva juste vingt assistants pour
donner leur nom, mais quand il s'agira
de payer, ce nombre tombera de moitié.
La conférence terminée, un vol de corbeaux passa au-dessus de la foule.
De votre présence, M. Le Corre, il ne restera plus trace que le vol de
ces oiseaux dans le ciel du pays libre
de Plozévet. »
Signé Yan AR MAOUTAnnexes
1
Roussin Etienne était propriétaire de Kerguinaou et autres, par
héritage de Bouteillier dont il était le cousin.
( Bouteillier ayant hérité des Tardy). Il était chevalier de la Légion
d' Honneur, ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris.
Député-maire de Plomelin.
E. Roussin est mort en 1922 au manoir de Kerdour à Plomelin.
Son père Victor Roussin (1812-1903) était avocat et peintre.
2
L'Union catholique fut fondée par Mgr Duparc en 1911 ( ...mais
seulement en 1912 à Plozévet, surnommée La
fosse aux lions).
Son existence fut brève et son rôle sans lendemain.
Le recteur Guirriec venait d'arriver à Plozévet. L'évêque lui demanda
de noter chaque jour, sur un carnet, le comportement
de ses fidèles. Il devait surveiller plus particulièrement les «
immigrés ».
L'Action catholique (1929) , puis la J.A.C. (1946) remplacèrent l'Union
catholique.