Au début du 20 ème siècle à
Plozévet,
Grâce à l'école,
une femme a vu s'ouvrir à elle
un chemin improbable...
Le 14 avril 2012, le site ''La piste de Lomaye '' rendait
hommage à Marie-Françoise BOSSER :
à l’institutrice, à la directrice d’école, à la fondatrice de
l’Amicale Laïque du Bélon et de la section de la Ligue des
Droits de l’Homme de Pont Aven.
En 2012, la section de la Ligue des Droits de l’Homme du
secteur Concarneau-Quimperlé, a pris pour nom "section F.
Bosser" , en désaccord amiable avec le Comité Central qui ne
veut pas de patronymes
Un peu plus tôt, à l’école publique de Riec sur Bélon, le vendredi 9
décembre 2011, deux plaques
commémoratives avaient été dévoilées : l'école élémentaire et l'école
maternelle portent désormais son
nom.
Mais sait encore qui elle était ?
Les lignes qui suivent décrivent et expliquent brièvement quelques
épisodes d'une vie consacrée
aux autres.
L'article évoqué plus haut , cite Benjamin Constant :
"La reconnaissance a la mémoire courte"Les premières années
Marie Françoise - dite Françoise - est née à Kerfily
( Plozévet) en 1891.
Elle est la benjamine d'une famille de 8 enfants. Ses
parents sont de petits métayers de Lucien Le Bail,
ayant souffert de leur illettrisme et s'étant juré de
donner de l'instruction à leurs enfants. Les trois
garçons ont obtenu le certificat d'étude à une époque
où il était rare.
Françoise a intégré la nouvelle école laïque de Plozévet en 1903. Le
nouvel enseignement l'a séduite et, en 1908,
poussée par Georges Le Bail, elle a pu entrer à l'école normale de Quimper
et devenir institutrice.
On la voit ci-dessous, en bas à droite, portant une médaille.
Après un court passage par Le Guilvinec, elle sera nommée à Riec sur Belon
où elle restera toute sa vie. Son mariage
en 1921 avec un militaire ne durera pas. Elle refusa de quitter ses élèves
pour suivre son époux en Afrique.
Les années 20 et 30 : la militante.
Dans les années 30, la Ligue joue un rôle important dans le rassemblement
de toutes les forces démocratiques et
progressistes dans la lutte contre le fascisme. C'est dans ce contexte que
naîtra le Front Populaire en 1935.
En mai 1923 l'affaire Seznec débutait.
En 1930, le cas Seznec , attira l’attention de Marie-Françoise Bosser, une
institutrice, fondatrice et secrétaire de
la Ligue des Droits de l’Homme de Pont-Aven, dans le Finistère.
Elle eut vite fait d’interviewer une centaine d'individus concernés et
acquit l’intime conviction de
l’innocence de Seznec.
En juillet 1931, elle exposa le cas au Comité Central. Dépassant son trac,
en 1932, elle voyagea
jusqu’au congrès national de la Ligue pour plaider le cas Seznec. Elle
avouait volontiers qu'elle ne
s’était jamais adressée auparavant à un public plus intimidant que celui
des petits enfants qu’elle était
chargée d’instruire, Très rapidement, elle prit la parole devant des
salles combles, d’abord en
Bretagne, puis à travers toute la France. Elle s’adressa à toutes les
sections de la Ligue qui voulaient
bien l’entendre.Il y avait des tensions continuelles entre elle et le
responsable de la Ligue.
Françoise Bosser était une impatiente tout en étant pleinement consciente
des complexités légales
mêlées au cas Seznec et du fait que les roues de la justice tournent
lentement. Pendant ce temps un
homme innocent était en train de mourir dans une prison tropicale !
William D. Irvine , un écrivain, historien et universitaire canadien,
professeur émérite d'histoire à l'Université York,
Il est spécialisé dans l' histoire française et a publié un livre sur la
Ligue des Droits de l' Homme.
Il s'est intéressé à cette affaire et écri t :
''En 1933, elle distribua des exemplaires d’une brochure sur le cas Seznec
à chaque fédération
départementale de la Ligue, demandant que chaque section en achète au
moins un exemplaire.
Elle alla même jusqu’à rassembler cinq membres du jury de 1924*[ celui qui
avait accusé Seznec ], les
confrontant à l’accablante évidence au sujet du procès et les persuadant
de faire appel pour sa
réouverture. Pendant ce temps, l’entière fédération du Finistère ne
travaillait sur rien d’autre que sur le
cas Seznec.
En 1937, elle conduisit une délégation de députés bretons pour rencontrer
le Président du Conseil, Léon
Blum, ainsi que son ministre de la Justice, Marc Rucard. Tous les deux
membres de la Ligue.
Pendant ces dix années, elle apparut inévitablement à tous les congrès de
la Ligue.''
Rien ne pourra l’arrêter : comités de soutien, interpellation de membres
du jury pour les confronter à leurs
contradictions, succession d’interventions publiques.
Elle ne faisait pas confiance à la justice dont elle disait que ''c'est
une vieille fripouille qui a besoin d'être
débarbouillée''. Elle accorda pourtant sa confiance au très controversé
juge Hervé....
Elle ébranla un peu les convictions et les consciences, mais dérangeait
beaucoup des ligueurs attachés au strict respect
de la loi et qui n’appréciaient guère ses accusations de conspiration.
W. Irvine ajoute :
' ''Il y avait quelque chose de merveilleux dans le spectacle de cette
toute petite maîtresse d’école d’un
petit village de Bretagne qui, en 1935, annonça à un congrès d’hommes qui
étaient par ailleurs
engagés dans des cercles politiques très règlementés, qu’elle avait voyagé
en car 1 248 kilomètres pour
obtenir le droit de parler cinq minutes au sujet d’un homme dont elle
sentait, n’en déplaise au couperet
logique du Comité Central, qu’il était innocent.''
Madame Bosser aura quand même eu le plaisir avant
de mourir en 1978, de le voir gracié, de lui trouver
une maison en Bretagne et de l’enterrer en 1954... )
Ci contre : en 1948 à Riec1937 à Plozévet : la Ligue des droits de l'Homme
est créée.
Août 1937 Le Citoyen
Plozévet
A la Ligue des Droits de l'Homme.---- On nous communique :
Le vendredi 27 août, sur invitation du bureau fédéral de la Ligue,
s'est tenue, à la mairie de Plozévet, sous la présidence de M.
Albert Le Bail, député-maire, assisté de Mmes Bosser et
Fontignie, MM. Tannou et Damalix, une réunion publique,
dans le but de constituer une section dans le canton de Plogastel-
St-Germain.
Annoncée seulement depuis quelques heures et à un très petit
nombre de citoyens cette réunion attira à la mairie de Plozévet un
nombre imposant d'auditeurs.
Au cours d'une causerie simple et familière, les organisateurs
exposèrent le caractère et le but de la L.D.H. Et exaltèrent la
noblesse de son rôle, qui mérite d'être plus connu.
L'auditoire, sympathique, se montra vivement intéressé, puis
conquis.
A l'appel du président de séance, les adhésions affluèrent.
Plozévet a désormais sa section de la Ligue des Droits de
l'Homme, déjà forte d'un nombre respectable de membres, forte
de sa volonté de travailler pour faire régner un peu plus de justice
et plus de démocratie.
Les républicains des autres communes du canton sont
cordialement et instamment priés d'adhérer à leur section qui,
dans ce coin où les républicains bon teint pullulent, doit devenir
une belle et forte section.
Nous avons dans le Finistère de nombreuses petites villes, de
gros bourg, centres très populeux où ne manquent pas les
citoyens sympathisants à la Ligue des Droits de l'Homme.
Qu'attendez-vous pour imiter l'exemple de Plozévet ?
S'adresser à M. Damalix, président de la Fédération, route de
Bénodet Quimper.