à Plozévet en 1882 :
La fouille des Tumulus de Kervern
par Paul du CHATELLIER.
Paul Maufras du CHATELLIER, fils de l'historien
Armand Maufras du Chatellier, est né à Quimper le
13 novembre 1838.
Il passe une partie de sa jeunesse à Versailles où sa
famille s'installe pour offrir une meilleure
éducation à ses enfants.
Paul du Chatellier entre à l'Ecole Nationale des
Beaux-arts et se destine d'abord au dessin et à la
peinture ; il devient peintre de la marine, avant de se
consacrer aux fouilles archéologiques dans le
Finistère, puis dans plusieurs pays européens
(Norvège, Grande Bretagne...).
De 1897 à 1911 il est président de la Société
archéologique du Finistère.
Chacune de ses fouilles importantes s'accompagne de dessins présentant les sites et les objets
découverts. Le château de Kernuz devient une sorte de musée où sont entreposés ces objets .
Paul du Chatellier meurt le 28 mars 1911 en son château de Kernuz, près de Pont L'Abbé.
La ''Collection du Chatellier'' fut acquise en 1924 par l'Etat et répartie ensuite entre le musée de
Saint-Germain-en Laye et quelques musées bretons.
Le jounal « le Finistère »lui rendit hommage au tout début d'avril 1911.
Voici un extrait de l'article :
M. du Chatellier, fils du célèbre historien de la Révolution en Bretagne,
avait choisi comme sujet de ses études, l'archéologie préhistorique, science
délicate et difficile qui était encore bien peu avancée lorsqu'il commença ses
premières recherches.
Les renseignements qu'il a recueillis et qui forment la matière de 92 livres
ou brochures publiés de 1875 à 1909 ont grandement contribué aux progrès
réalisés par cette branche des études scientifiques.
Il avait exécuté des fouilles dans un grand nombre de communes du
Finistère et de l'ouest des Côtes -du-Nord ;
Tous les objets qu'il avait découverts étaient classés et exposés dans les deux
salles du château de Kernuz ; le châtelain permettait de visiter et d'étudier
ses collections avec une complaisance et une libéralité aussi rares que
méritoires.
Le réputation du musée de Kernuz s'étendait dans le monde entier.
[. ..]Les fouilles de Kervern
C'était en mai 1882 :
Non loin de la route de Quimper à Plozévet, à moins de un kilomètre à l'est de
Kermenguy, au nord du village de Kervern, on distinguait trois buttes de terre dans les
landes de Ménez-Kervern.
Les cultivateurs de la région avaient étés contactés pour aider à l'exploration de leur
contenu, contre menue monnaie.
Au départ ils étaient flattés d'être ainsi mêlés à une grande aventure...
au début...
Parmi eux il y avait Louis Le GOUILL(1864-1954) et son père Mathieu le
GOUILL(1820-1886), cultivateurs à Kervern et propriétaires d'une partie du terrain.
Louis a longtemps raconté comment il fut prié de quitter son champ...
Ce jeune homme de 18 ans avait osé contester la méthode de travail de l'équipe des
chercheurs qui éventraient les buttes en les ouvrant par le sommet.
Un tumulus par jour disparaissait sous les pelles ! on déterrait les morts...chez lui et
cela choquait sa conscience.
Certains disaient qu'il lui était surtout reproché d'être inefficace sur le terrain, trop
lent !
L'anecdote nous est parvenue par l'intéressé lui même, ''ar Gouill Koz'', qui a vécu à Kerlaéron
jusqu'en 1954 .
Voici quelques lignes du rapport écrit par Paul du Chatellier :
« Les propriétaires du village de Kervern, sur les terres duquel ils s'élèvent, m'y ayant autorisé, le mois de mai
dernier j'en ai fait l'exploration en commençant par celui du milieu.
PREMIER TUMULUS
De deux mètres de haut, sur vingt-cinq de diamètre.
Nous avons ouvert à son sommet une large tranchée de six mètres de diamètre, dans laquelle nous n'avons pastardé à trouver des fragments de charbon, quelques percuteurs, quelques éclats de silex, parmi lesquels deux
petits grattoirs finement retouchés et d'assez nombreux fragments de poterie ayant appartenu à des vases faits
sans le secours du tour. Ces fragments sont en terre grossière et mal cuite mêlée de gros grains de quartz. L'un
d'eux, de couleur rouge est décoré de chevrons.
A un mètre dix centimètres sous le sommet du tumulus, nous avons rencontré quelques pierres posées avec
ordre ; en les faisant laisser sur place, nous les avons dégagées avec soin, et avons bientôt reconnu qu'elles font
partie d'une construction, en forme de fer à cheval, élevée à pierres sèches. Suivant le pourtour de cette
grossière maçonnerie, nous constatons, après complet dégagement, qu'elle a quatre mètres de diamètre extérieur
et qu'elle laisse au milieu un espace libre de deux mètres de diamètre, rempli de terre.
Vidant avec soin cette sorte de chambre à ciel ouvert, nous y remarquons les traces d'un coffre en bois de
1 ,80m de long sur 0,5m de profondeur. Dans ce coffre , orienté est-ouest, fait avec du chêne dont les restes ont
encore six centimètres d'épaisseur, avait été déposé sur le dos, le corps d'un individu inhumé la tête à l'est,
regardant le couchant.
L'écrasement produit lorsque le coffre a cédé à la pression des terres accumulées sur lui et aussi, probablement,
la nature du sol, ont mis le squelette en si mauvais état que nous n'avons pu en recueillir aucune partie.
Près de lui, dans le coffre nous n'avons remarqué aucun dépôt d'objet mobilier. Dans les terres qui l'entouraient
nous avons seulement relevé quelques morceaux d'un vase, fait à la main en terre serrée, affectant la forme de
deux cônes tronqués réunis par la base si bien que la panse en était beaucoup plus large que l'orifice et que la
base .
Dans l'enceinte de pierre qui entourait cette sépulture existait, au nord-ouest, une solution de continuité de
0,60cm de large. C'est sans doute par là, par cette sorte de porte qu'on a procédé à l'inhumation à l'intérieur de
cette chambre à ciel ouvert, après quoi on a recouvert le tout de terre et formé le tumulus que nous venons de
fouiller.''
La fouille du second tumulus eut lieu le 16 mai et donna des résultats semblables.
Le cercueil était creusé dans un tronc de chêne, recouvert d 'un morceau de bois sans clou.
« Dans le cercueil avaient été placés les restes du défunt, inhumé sur le dos, la tête à l'est regardant le couchant.
Près de lui, à sa gauche, à la hauteur de la tête était un vase en terre. [...] »
Le croquis ci dessous fut réalisé d'après ces observations :Le troisième tumulus fut exploré le 17 mai.
En conclusion Paul du Chatellier écrit :
« J'ai pensé que l'exploration de ces trois tumulus, offrant des sépultures intérieures d'un genre nouveau,
méritaient d'être signalées, et si j'avais à dater ces monuments, je n'hésiterais pas à les rapporter à
l'époque du bronze. [...] »
Sources : Archives de Kernuz -site AD29 ; Revue d'Archéologie 1882 numérisée par
Gallica.
Vase en céramique provenant du tumulus de Kervern.
En 1970, une vue aérienne nous montre deux taches claires au centre de l'image . Le 3ème tumulus est dans le
petit bois, à l'est des premiers.
Actuellement on ne distingue plus rien, sauf peut-être un très léger monticule au niveau du second tumulus, à
condition de connaître l'endroit et d'y aller en hiver.