Les feux de la Saint-Jean


Feux de la Saint Jean
Dessin d'Eugène Martin - 1868 (Musée breton, Quimper)

Les origines de la Fête de la Saint-Jean restent floues.

Célébrée le jour symbolique du solstice d’été, pendant la nuit la plus courte de l’année, la fête de la Saint-Jean consistait dans l’antiquité à allumer un grand feu qui avait, disait-on, un pouvoir purificateur. On a aussi donné à ce rituel le pouvoir de bénédiction des moissons, de la fertilité et de l’abondance.

A Plozévet, au cours des années 60, la fête de la Saint-Jean est devenue de plus en plus discrète. Certains tentent encore, ici et là, de la faire revivre mais plus rien n'est spontané. On ne fait plus le fête , on y assiste. (voir dernier paragraphe)

En juin 1899 le journal « Le Finistère » évoquait les feux de la St-Jean qui rassemblaient encore les habitants des campagnes pour une fête champêtre qui avait ses rites :

«Suivant une vieille coutume encore répandue partout et à laquelle la Bretagne est restée particulièrement attachée, nous avons vu hier au soir briller de tous côtés les feux de la Saint-Jean. Ce sont là les feux de joie de tous nos paysans qui fêtent en cette occasion les prochaines moissons et demandent au saint favori du Paradis de les rendre plus amples et plus riches. De toutes les anciennes coutumes bretonnes, celle là est peut-être l'une de celles qui ont conservé le plus de faveur. Comme au temps des ancêtres, on voit encore notre yaouankis danser en rond pendant que crépite le brasier allume par le plus ancien du village. Chacun a contribué à cette fête en portant un fagot pour le feu de la St-Jean, jusqu'au malheureux, qui, lui-même arraché aux épines et aux ronces du chemin un faix de brindilles qui grossira le tas déjà préparé par les métayers.
Bientôt les flammes tombent, presque tout est consumé, mais avant de quitter l'aire, les potred, en un tournoi rustique, franchissent d'un saut, à tour de rôle le brasier encore fumant, sous le regard encourageant de la pennerez qu'enorgueuillissent toujours les prouesses du préféré.
Mais il n'est plaisir qui dure. Des tisons qui restent, chacun emporte religieusement le sien, pour le placer au foyer du logis qu'il préservera de tout maléfice.
Le lendemain, au petit jour, le pauvre vient aussi recueillir sa part. Il ramasse les cendres qu'il vendra un peu plus cher que les cendres ordinaires. Les cendre de la Saint-Jean n'ont-elles pas des vertus plus précieuses que celles de l'âtre ou du four ? Le champ qui les aura reçues ; mieux fécondé par leur potasse bénite, portera l'année suivante une plante plus belle : la plante de l'illusion toujours germante et toujours plus chère au cœur de l'homme, qu'il soit de Bretagne ou de Dauphiné. »

Quelques années plus tôt , en 1893, dans « La Légende de la mort en Basse-Bretagne », Anatole Le Braz écrivait aussi :

«La nuit de la Saint-Jean, dans tous les bourgs, dans tous les hameaux de la Basse-Bretagne, s’allument les''tantad''ou bûchers. Quand le feu a fini de flamber, l’assistance s’agenouille en cercle autour du monceau de braise. Et l’on commence à réciter les grâces. C’est toujours un «ancien» qui se charge de ce soin. La prière terminée, l’ancien se lève, chacun en fait autant, et tout le monde, rangé sur une file, se met à marcher en silence autour du tantad. Au troisième tour, on s’arrête. Chacun ramasse à terre un caillou, et le jette dans le feu. Ce caillou s’appelle dès lors: Anaon.
Ce rite accompli, la foule se disperse.
Dès que les vivants ont disparu, les morts accourent, car le feu attire les morts, les morts qui ont toujours froid, même dans les belles nuits tièdes du mois de juin. Ils sont heureux de pouvoir se chauffer à ce qui reste du tantad. Ils s’asseyent sur les pierres, sur les anaon qui ont été mis là à leur intention. Et jusqu’au matin ils se chauffent.
Le lendemain, les vivants viennent visiter l’emplacement du feu de la veille. Celui dont l’anaon a été retourné peut s’attendre à mourir dans l’année. »

Saint Jean
« Le Petit Journal » du 1er Juillet 1893 : (Photo extraite de la première page. )



Dans « Le cheval d'orgueil », Pierre Jakez Hélias évoque, lui aussi, la fête de la St-Jean de son enfance à Plozévet et à Pouldreuzic:

« Celle là, malgré le nom de l'apôtre, on se demande si elle n'a pas un peu l'odeur du diable.
Il semble bien que le clergé ne la voit pas d'un bon œil. D'ailleurs ce n'est pas une fête paroissiale mais  réjouissance des quartiers. Il y a rivalité entre les quartiers, chacun tâchant d'avoir le plus beau feu et le plus durable. […]
Le feu est allumé par des spécialistes qui ne laisseraient le soin à personne d 'autre. Ils le font flamber le plus haut et le plus clair possible, y ajoutant de temps en temps de la bouse de vache séchée […] Quand les flammes sont tombées, les plus audacieux sautent par dessus le lit de braises rougeoyantes. Certains s'en brûlent un peu la plante, ils n'en sont que plus farauds.
Déjà les jeunes filles commencent à se cacher derrière leurs mères car tout à l'heure les garçons vont s'emparer d'elles, les prenant les uns sous les aisselles, les autres sous les genoux pour les balancer à neuf reprises par dessus les braises (cela s'appelle ober ar wakel).
[...] En certains endroits on vend les cendres aux enchères au profit de St Jean. Elles fertilisent les champs. Je ne le vois pas faire mais je vois les gens emporter des cendres dans un pochon ou dans un sabot.
Pour la chance, disent-ils.»

Dans son « Journal de Plozévet », en 1965, Edgar Morin pose un regard critique très négatif sur un moment qu'il a vécu autour d'un feu:

«Tous demandent à s'amuser, à être gais et, profondément, à communiquer autour du feu. Mais ils n'y arrivent pas. Les groupes ne se fondent que sporadiquement dans un ''nous'', chacun se trouvant très vite à part, en soi. Chaque sous-groupe, notamment celui des jeunes, est intimidé par la présence des autres.
Le feu des âmes est mouillé. [...]
Ce feu est sans feu. Il vit à l'état de réflexe mécanique. Ce sont des automatismes privés du suc des croyances, privés de leur force mythologique. On ne songe même pas à la coïncidence entre le feu et le solstice de juin, la naissance de l'été. »

Saint Jean
Nous terminerons par les mots de Fanch Postic , ingénieur d'étude au CNRS :

«La St-Jean était fêtée le 23 juin au soir. Désormais, elle est fêtée lors du week-end le plus proche, voire parfois au début de juillet, pour attendre l' arrivée des premiers touristes. […]
Les liens distendus avec le religieux modifient aussi le contenu des fêtes qui n'ont plus les mêmes significations et les mêmes fonctions. La fête de la St-Jean avait, en Bretagne, une importance équivalente à celle de la Toussaint, elle possédait certes un lien fort avec la période agricole mais était aussi un hommage rendu aux morts.
Aujourd'hui, la Saint-Jean constitue davantage un prétexte à des animations festives, sans connotation religieuse.»
Saint Jean
En 2014...autre temps ! La presse annonce :

En soirée grand feu de la Saint-Jean avec moules frites.

19h- Fête de la Saint Jean-Animations gratuites, musique, feu de la Saint Jean. Buvette et restauration sur place.


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